9 septembre 2024

« Un train peut en cacher un autre »

Cette expression peut être utilisée pour décrire la dynamique actuelle de l’inflation (le premier train) et de la croissance (le second train) aux États-Unis.

Depuis le pic de juillet 2022 (+ 9,1 %), l’inflation diminue (+2,9 %) et se rapproche de l’objectif de la Réserve Fédérale (+2 %). 

En dépit de ce succès, la Banque Centrale a maintenu ses taux d’intervention à un niveau élevé (5,50 % pour le taux de refinancement), afin de s’assurer que l’instauration d’une boucle prix-salaire ne viennent s’installer et ainsi ancrer durablement les anticipations d’inflation des entreprises et des consommateurs. 

En effet, sur les derniers exercices, la consommation et l’investissement ont contribué à maintenir une activité élevée. Le chômage a fortement reculé durant cette phase du cycle (3,4 % en avril 2023) engendrant des tensions sur le marché du travail avec des entreprises confrontées à des difficultés de recrutement. Ces tensions se sont transformées en hausse de salaires (encore à +4,7 % en juin 2024) et de coûts unitaires du travail malgré les gains de productivité généreux réalisés par les entreprises. 

La baisse de l’inflation s’est opérée dans un premier temps sur les composantes les plus volatiles, à savoir l’énergie et l’alimentation. Celle des autres biens et services (core inflation) a été plus longue et a montré une décélération. 

Les mêmes causes produisant les mêmes effets, l’apaisement des tensions sur le marché du travail reste le dernier verrou préalable à un assouplissement monétaire. Les statistiques publiées ces derniers mois permettent d’être optimiste de ce point de vue. Le taux de chômage remonte sur des niveaux plus naturels* (+4,2 %) et la hausse des salaires se fait plus douce. 

En même temps, les modérations salariales à l’œuvre sont aussi le fruit d’un ralentissement de l’activité économique. Les créations d’emploi diminuent (+142 000 en août 2024), la production industrielle stagne, le taux d’utilisation des capacités de production est redescendu à 78 % (vs 81 % en 2022), les enquêtes auprès des directeurs d’achat montrent une activité en légère expansion (ISM Service à 51,5 en août) et les ventes au détail progressent de seulement 2,7%. 

Ce ralentissement souhaité pour sortir de la surchauffe doit néanmoins être regardé avec attention. En effet, si les prévisions des économistes entrevoient un atterrissage en douceur en raison notamment d’une situation présente du consommateur plutôt confortable (134,4 en août) et de la baisse des taux à venir, un scénario de réaction en chaîne (baisse de l’activité entraînant celle de l’emploi, puis la consommation, puis l’activité…) ne peut être exclu. Les prochaines statistiques avancées de l’activité seront donc scrutées avec intérêt pour jauger de la nature du ralentissement à l’œuvre.

(*) En économie, le taux de chômage naturel correspond au taux de chômage non inflationniste qui existerait même dans une économie saine et en pleine capacité. Il comprend le chômage frictionnel (lié aux transitions professionnelles) et le chômage structurel (lié aux changements dans les industries et les technologies). Le taux de chômage naturel varie au fil du temps en fonction des changements dans les politiques du marché du travail, les niveaux d'éducation et d'autres facteurs économiques. Aux États-Unis, le taux de chômage naturel est généralement estimé entre 4 % et 5 %.

François Jubin

Directeur Général Zenith AM